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Le développement du surréalisme en Serbie

Le développement du surréalisme serbe peut être observé à travers trois phases : la première, présurréalsite, antérieure à l'organisation du groupe (1922-1929) ; la seconde, surréaliste (1929-1932) ; et la troisième, postsurréaliste, postérieure à l’extinction du mouvement, marquée par la nette persistance d ‘échos surréalistes chez un certain nombre d’auteurs.

Le surréalisme serbe voit le jour très tôt, à la suite de liens étroits entretenus avec les membres  du mouvement surréaliste en France. De fait, il se développe quasiment en parallèle avec ce dernier tout en se distinguant par certaines caractéristiques lui assurant une place particulière dans le contexte du surréalisme européen. En l’occurrence le surréalisme était à l'origine un mouvement littéraire dont l’extension aux arts visuels, s'appuyant sur des éléments repris à la psychanalyse, la philosophie, la politique, tient aux objectifs proclamés. Animés par le désir de mettre en contact, de façon consciente, le processus de création et le subconscient, les surréalistes entendent explorer le surréel, l'irrationnel, le « hasard objectif », l'étrange. Ils veulent communiquer de façon directe le contenu du subconscient et des rêves. Pour ce faire et pour rendre ce contenu de la façon la plus fidèle, ils recourent à la création spontanée et automatique, ce qui est en conformité avec la définition du surréalisme donnée par André Breton dans le Manifeste du Surréalisme en 1924, laquelle insiste sur le subconscient, l'automatisme et l'anti-esthétisme. Selon Breton, le surréalisme est un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Ainsi, alors que le surréalisme français voit le jour comme une sorte de prolongement du dadaïsme, il connaît en Serbie un développement plus autochtone : non pas comme la suite logique d'un mouvement antérieur, mais comme le fruit de l'activité de jeunes auteurs désireux de mettre en pratique les idées de leur temps. Les prémices de ce mouvement y apparaissent au lendemain de la Première Guerre mondiale, de sorte que l'activité du groupe surréaliste serbe peut être suivie de 1922 à 1932.

Le développement du surréalisme serbe peut être observé à travers trois phases : la première, présurréalsite, antérieure à l'organisation du groupe (1922-1929) ; la seconde, surréaliste (1929-1932) ; et la troisième, postsurréaliste, postérieure à l’extinction du mouvement, marquée par la nette persistance d ‘échos surréalistes chez un certain nombre d’auteurs. Les premiers textes de Breton ont été publiés en Serbie en 1922, dans la revue Putevi (Les Chemins), à laquelle collaborent, entre autres, Aleksandar Vučo, Milan Dedinac, Dušan Matić, Marko Ristić. La seconde publication ayant accueilli plusieurs textes relatifs au surréalisme est Svedočanstva (Témoignages), créée en 1924 à l’initiative de Rastko Petrović, Milan Dedinac, Marko Ristić, Mladen Dimitrijević, Dušan Matić еt Aleksandar Vučo. Tous, à l’exception de Rastko Petrović, devaient poursuivre leur évolution vers le surréalisme.

Entre 1924 et 1930, alors que le développement du surréalisme se traduit à Paris par une production revêtant de multiples formes, Belgrade n’enregistre qu’un petit nombre d’initiatives s’inscrivant dans le cadre d’une activité surréaliste : la parution de quelques livres en vers ou en prose, dont Javna ptica (L’Oiseau public) de Milan Dedinac, Bez mere (Sans mesure) de Marko Ristić et Koren vida (Racine de vue) d’Aleksandar Vučo, la publication de rares textes  ou réactions dans des revues et des journaux, une participation commune dans la revue Savremeni pregled (Observation contemporaine), et quelques provocations et autres actions anti-littéraires. En dehors du groupe formé autour de ces trois premiers auteurs on peut aussi mentionner la parution de la revue Večnost (Eternité) et le recueil Mrtve rukavice (Les Gants morts) de Risto Ratković.

Il faut attendre fin de l’année 1929 pour que trois collaborateurs de la revue Tragovi (Les traces), Djordje Jovanović, Djordje Kostić et Oskar Davičo, rejoignent le groupe évoqué ci-dessus et proposent le lancement d'une revue qui témoignerait de leur activité commune. Puis l’arrivée de Koča Popović, Vane Živadinović-Bor et du seul peintre du groupe, Radojica Živanović Noe, pour que le mouvement s’affirme vraiment. Sa réunion fondatrice se tient à Belgrade, le 30 novembre 1929, dans l'appartement d'Aleksandar Vučo, rue Kneginje Ljubice 1 (aujourd’hui rue Zmaj Jovina). Seuls en étaient absent, après avoir préalablement approuvé la fondation du groupe surréaliste, Koča Popović et Milan Dedinac qui se trouvaient à Paris. Outre la formation du groupe surréaliste, cette réunion a à nouveau abordé la question du lancement d’une revue. En avril 1930, les surréalistes belgradois font paraître un texte à caractère polémique dans le quotidien Politika, annoncent le lancement d’une publication commune, donnent les noms des treize membres du groupe et définissent le surréalisme. Et c’est en mai 1930 que sort l’almanach Nemoguće – L’Impossible,avec pour mission, en tant que gazette du mouvement, d’affirmer les tendances révolutionnaires du groupe tant sur le plan idéologique, poétique que moral et dont les premières pages contenaient notamment une déclaration de programme signée par les treize membres fondateurs du mouvement. La seconde publication commune à travers laquelle le groupe surréaliste a exposé ses positions, a été la revue Nadrealizam danas i ovde  (Le surréalisme aujourd’hui et ici) dont les trois numéros sont parus au cours des années 1931 et 1932.

Les treize signataires du manifeste sont : Aleksandar Vučo, Oskar Davičo, Milan Dedinac, Mladen Dimitrijević, (pseudonime de Dimitrije Dedinac), Vane Živadinović-Bor, Radojica Živanović Noe, Djordje Jovanović, Djordje Kostić, Dušan Matić, Branko Milovanović, Koča Popović, Petar Popović et Marko Ristić. On doit aussi mentionner plusieurs autres auteurs qui, bien que n'étant pas formellement membres du groupe, étaient proches de l'esprit des conceptions surréalsites, comme Nikola Vučo, Salmon Moni de Buli (Monny de Boully), Risto Ratković, Ljubiša Jocić, Slobodan Kušić, Zvedan Vujadinović, Dušan Duda Timotijević, Rade Stojanović, ainsi que Ševa Ristić (Jelica Živadinović) et Julijana Lula Vučo.

Les membres du mouvement surréaliste serbe soulignent que ce qui prime avant tout pour eux, c'est la révolte morale, de sorte qu'ils rejettent le système bourgeois de valeurs avec sa distinction des genres artistiques, et prônent la pratique d’une activité non seulement individuelle mais aussi collective. C’est en réponse à cette exigence que paraissent les publications Nemoguće – L’Impossible et Nadrealizam danas i ovde (Le surréalisme aujourd’hui et ici), alors que nombre d’entre eux s’adonnent à l’écriture commune de textes, participent au jeu artistique appelé cadavre exquis ou à des enquêteset réalisent des collages, des assemblages ou autres objets. L'activité individuelle se manifeste pour sa part à travers le dépassement des limites imposées par les divers médias, de sorte que les membres du groupe surréaliste belgradois produisent aussi bien des textes que des créations visuelles et, outre les médias traditionnels - dessin et quelques toiles conservées -, ils s’essaient aussi au nouveaux médias tels que le collage, la décalcomanie, la photographie, le photogramme, et l’assemblage.

Voyant le jour en parallèle avec le surréalisme français, le mouvement surréaliste serbe et ses membres sont en contact permanent avec leurs homologues français. La collaboration se développe par le biais de correspondances et de contacts personnels, alors que des contributions de surréalistes français trouvent place dans les publications serbes. Celles-ci ont donc également pour collaborateurs : André Breton, Paul Eluard, Benjamin Péret, Louis Aragon, René Char, André Thirion, Salvador Dali, René Crevel, Max Ernst, Yves Tanguy, Tristan Tzara, Alberto Giacometti, Joan Miró. En retour, les revues surréalistes françaises reprennent des contributions dues aux surréalistes serbes et informent sur les activités du groupe de Belgrade. Les pages du premier numéro de la revue Le surréalisme au service de la révolution, sorti en 1930, proposent ainsi un texte sur la fondation du groupe des surréalistes belgradois et leur manifeste.

Refusant de se cantonner à un simple mouvement artistique, l’action du surréalisme se manifeste sur divers plans. Ses représentants s’engagent sur le pan idéologique en insistant sur le fait que l'art n'est que le point de départ d'un processus moral. C'est dans cet ordre d'esprit, qu’est lancée en France, en juillet 1930, la revue Le surréalisme au service de la Révolution, en tant qu’expression des préoccupations sociales du surréalisme. Dans ce même domaine, le groupe de Belgrade entreprend d’exprimer ses orientations sociales à travers la publication de Pozicija nadrealizma (La Position du surréalisme) en janvier 1931. Proche du matérialisme dialectique par son point de départ idéologique le surréalisme développe ainsi une critique qui porte sur la totalité de l'idéologie et de la pensée bourgeoises.

La publication du troisième numéro de la revue Nadrealizam danas i ovde (Le surréalisme aujourd’hui et ici),en juin 1932,marque le dernier acte de l'activité surréaliste collective en Serbie. Se séparant peu après, certains membres du mouvements adhèrent au parti communistes, pour être bientôt arrêtés et incarcérés en raison de leur activité révolutionnaire, comme c’est le cas pour Oskar Davičo, Djordje Kostić, Djordje Jovanović et Koča Popović. D’autres rejoignent le mouvement de la littérature et de l’art social, comme Radojica Živanović Noe qui compte parmi les fondateurs du groupe artistique  Život (La vie) (1934) qui reprend l’idéologie du réalisme socialiste. L’esprit du surréalisme persistent toutefois encore quelque temps à travers le travail individuel d’un petit groupe d’auteurs.